🤠🏠 Immobilier: guide d'exonération de la plus-value
Peut-on enchainer les RP sans être requalifié MDB ?
Hello 🤠
Tout d’abord joyeux 14 juillet à toutes et tous et bonnes vacances à ceux qui ont la possibilité d’en prendre !
On se retrouve pour parler fiscalité. Drôle de coïncidence lorsque l’on se rappelle de l’une des raisons ayant conduit à la prise de la Bastille, mais promis ce n’est pas fait exprès, aujourd’hui pas d’émeutes puisqu’aux taxes injustes ont été substituées des exonérations fiscales :)
Vous êtes nombreux parmi nous à posséder un ou plusieurs biens immobiliers avec un objectif d’investissement locatif ou patrimonial et à vous intéresser à la législation fiscale (et vous faites bien). J’en profite donc pour revenir en détail sur les principaux mécanismes d’exonération de la plus-values immobilières afin que vous puissiez évaluer vos montages et leurs solidité ainsi que les risques associés, en particulier liés à un enchainement un peu trop rapide et réfléchi de vente de votre résidence principale générant une plus-value.
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AU SOMMAIRE DE CETTE ÉDITION
➕➖ Le calcul de la plus-value immobilière
⏲️ Les abattements pour durée de détention
🏠 Exonération de la plus-value de cession de résidence principale
🏠🏠 Exonération de la plus-value de cession de résidence secondaire
🔴 Le risque de requalification en marchand de biens
🏠🤠 Immobilier: guide d'exonération de la plus-value
Vous avez acquis un bien immobilier il y a quelques années et vous souhaitez désormais le céder pour diverses raisons, en réalisant une bonne opération et en empochant au passage une jolie plus-value.
Mais en investisseur averti, vous avez en tête qu’il sera nécessaire de passer par la case impôt. Bien qu’en pratique c’est le notaire qui se chargera de calculer le montant de la plus-value et de verser le montant de l’impôt à acquitter, il faut savoir que la réalisation d’une plus-value immobilière est passible de l’impôt sur le revenu (IR) au taux de 19% + surtaxe variant de 2% (si PV >50.000 euros) à 6% (si PV> 260.000 €). C’est donc l’équivalent d’environ 1/5e du gâteau qu’est votre plus-value qui sera partagé avec le fisc.
💡 Bon à savoir: cette imposition s’applique aux biens détenus en nom propre mais également aux biens détenus à travers une SCI (société de personne relevant de l’article 8 du CGI).
➕➖Le calcul de la plus-value immobilière
La plus-value correspond au résultat positif (sinon ce serait une moins value) de la différence entre le prix de vente du bien et son prix d’acquisition.
Par exemple, vous avez acheté un appartement pour 85 000 euros (frais de notaires inclus) il y a 5 ans, vous y avez réalisé des travaux pour 12.000 euros et avez désormais la possibilité de le céder pour 130.000 euros.
La plus-value serait alors de 45.000 euros (130.000 - 85.000). Toutefois, il est possible d’ajouter au prix d’acquisition les travaux réalisés (et donc de réduire le montant de la plus value en conséquence). Ainsi, le montant de la plus value sera de 33.000 euros (130.000 - 97.000), soit 6270 euros, soit 1191 euros d’impôts.
⏲️ Abattements progressifs pour durée de détention
Maintenant que l’on a calculé le montant de la plus-value, et donc l’assiette d’imposition et que l’on a une idée du montant de l’impôt qui pourrait être dû, on peut examiner les règles permettant d’alléger cette imposition, on est là pour ça :)
Tout d’abord, comme vous le savez le temps fait bien les choses et peut contribuer au cas présent à annihiler en bonne partie voire totalement votre plus-value grâce aux abattements pour durée de détention.
Les abattements ne commencent à jouer qu’à partir de la 6e année de détention, en diminuant l’assiette au rythme de 6% par an pour l’IR et 1.65% par an pour les prélèvements sociaux.
En résumé, au bout de la 22ème année de détention, l’assiette d’imposition pour l’IR sera à 0, vous serez donc exonéré d’IR. Toutefois, pour les prélèvements sociaux l’exonération n’interviendra qu’au bout de la 30ème année.
Le site du service public prend un exemple très clair:
Vous revendez après 25 ans de détention. PV de 10 000 €, elle est exonérée d’IR. Vous bénéficiez d'un abattement sur les prélèvements sociaux de :
- 1,65 % par an de la 6e à la 21e année, soit 26,4 % (1,65 % x 16)
- 1,6 % pour la 22e année
- 9 % de la 23e à la 25e année, soit 27 % (9 % x 3)
Soit un abattement total de 55 %(26,4 % + 1,6 % + 27 %) donc de 10 000 € x 55 %, soit 5 500 €. Vous devrez payer les prélèvements sociaux sur la base de 4 500 € (10 000 € - 5 500 €) au taux de 17,2% soit 774 euros.
Les abattements, c’est très bien mais cela oblige à jouer sur le temps long, dans une visée patrimoniale. D’autres fondements d’exonération de la plus-value de cession immobilière permettent d’avoir une approche plus dynamique.
Pour l’essentiel, tous se trouve à l’article 150 U du CGI. On va ici se concentrer sur le II. 1° (résidence principale), 1°bis (résidence secondaire) et 2° (non-résident).
🏠Exonération totale de la résidence principale
L’article 150 U, II 1° du CGI dispose que la taxation ne s’applique pas si le bien constitue la résidence principale du cédant au jour de la cession et ce pour faciliter l’accession à la propriété. Rappelons également dans un autre thème mais visant le même objectif que l’acquisition d’une résidence principale constitue un motif de déblocage anticipé de l’épargne salariale en conservant l’exonération d’impôt sur le revenu 🤠
L’enjeu est, on l’a bien compris, l’exonération totale de la plus-value et l’article ne précise aucune condition de durée.
L’article n’est pas plus disant sur la définition de la résidence principale et c’est donc au Conseil d’État qu’il est revenu de préciser la notion. Aux termes de la jurisprudence et de la doctrine administrative, la résidence principale est caractérisée par deux éléments, elle doit être :
La résidence habituelle du propriétaire : c’est-à-dire le lieu où le contribuable réside habituellement pendant la majeure partie de l'année, il s’agit bien sûr d'une question de fait ;
La résidence effective du propriétaire : le contribuable est tenu de prouver par tous moyens l'effectivité de la résidence (il y habite vraiment).
💡 Bon à savoir: le bien doit constituer la résidence principale du cédant, mais il peut le détenir via une SCI, il est alors exonéré à hauteur de sa quote-part dans la société et pour la fraction qu’il occupe. Mais ça ne fonctionne pas si c’est un des enfants du cédant qui occupe le bien, même s’il est rattaché fiscalement.
Alors comment prouver qu’un contribuable réside ou pas effectivement et à titre habituel dans une résidence alors que la France n’est pas Big Brother ?
Plusieurs critères peuvent être dégagés de la jurisprudence administrative
Tout d’abord, il peut être utile que le prêt immobilier et l’acte notarié indiquent que le bien est destiné à usage de résidence principale
Ensuite, il convient pour le contribuable de déclarer officiellement le changement d’adresse, y compris auprès de la banque et des administrations
De plus, il convient de fournir les éléments justifiant d’un usage du bien à titre de résidence principal : consommation d’eau, de chauffage, d’électricité, abonnement téléphonique, assurance : non seulement des contrats doivent avoir été souscrits mais le volume de consommation doit être cohérent avec une résidence effective en fonction de la composition du foyer
Autrement dit, il est tout à fait possible d’acheter un bien, d’y vivre quelques mois puis de le revendre en étant exonéré d’impôts sur la plus-value : pour une décision de la cour d’appel administrative de Lyon a même pu confirmer l’exonération alors que la résidence effective n’était que de 4 mois.
Toutefois, la justification de la résidence effective n’est pas toujours évidente, même avec des justifications : pour une décision de la cour d’appel administrative de Paris du 3 novembre 2021 confirmant le redressement et l’absence d’exonération en dépit de justifications.
Il faut également préciser que même si vous libérez matériellement les lieux avant le jour de la cession, par exemple pour habiter dans ce qui sera votre nouvelle résidence principale, cela fonctionne à condition que le délai pendant lequel l'immeuble est demeuré inoccupé puisse être regardé comme normal (en général un an en moyenne) (Conseil d'État, 3ème / 8ème SSR, 07/05/2014, 356328).
💡 Bon à savoir: l’exonération totale est également applicable aux non-résidents fiscaux français à la double condition que (i) la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France et (ii) que l'immeuble n'ait pas été mis à la disposition de tiers (loué), à titre gratuit ou onéreux, entre ce transfert et la cession
🏠🏠Exonération partielle de la résidence secondaire
Si vous n’êtes pas propriétaire de votre résidence principale, il est également possible de bénéficier d’une exonération partielle d’imposition de la plus-value de cession du bien.
Il doit s’agir d’un bien “autre que la résidence principale”, qui se définit donc a contrario de la notion examinée plus haut. L’exonération n’est subordonnée à aucune durée minimale de conservation du logement ou d’affectation à la résidence principale du cédant. Dans ce cadre :
L’exonération ne peut s’appliquer qu’une seule fois.
Le cédant ne doit pas avoir été propriétaire de sa résidence principale durant les 4 ans précédant la cession
L’exonération s’applique sur demande du cédant, en l’absence de demande expresse la plus-value immobilière est imposable
Le cédant a 24 mois pour utiliser tout ou partie du prix de cession à l’acquisition ou la construction d’un logement affecté à son habitation principale
L’exonération est donc partielle, sous condition et dans la mesure de remploi du prix de cession pour l’acquisition d’une résidence principale.
Exemple tiré du Bofip:
Un logement est cédé pour un prix de 300 000 €, réalisant une PV de 120 000 €. Le cédant veut utiliser 180 000 € pour acquérir sa résidence principale (i.e. 60 % du prix de cession). La fraction de la plus-value de cession exonérée sera égale à 60 % de 120 000 €, soit 72 000 €. La plus-value imposable dans les conditions de droit commun est donc de 48 000 €.
Exonération limitée à 150.000 € pour les non-résidents
Le 2° du II de l'article 150 U du CGI prévoit une exonération pour les plus-values réalisées au titre des cessions d'un logement situé en France par des non-résidents (ressortissantes notamment de l’UE).
Cette exonération s'applique à condition que :
le cédant a été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins 2 ans à un moment quelconque avant la cession ;
la cession doit intervenir dans les 10 ans après le transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France s’il n’en a pas la disposition (ex: le bien est loué) ou bien à tout moment s’il a la disposition du bien
L'exonération s'applique dans la limite d'une résidence par contribuable et est plafonnée à 150 000 € de plus-value nette imposable.
💡 Bon à savoir: Le cédant non-résident qui bénéficie de l'exonération d'imposition sur le fondement de l'article 244 bis A I du CGI ne peut pas solliciter l'application de l'exonération spécifique prévue à l'article 150 U II 2° du CGI.
🔴 Le risque de requalification en marchand de biens
Vous aurez compris de tout ce qui précède qu’il est permis de réaliser une plus-value immobilière, qui sera exonérée d’impôts dans certains cas. Toutefois, évidemment vous aurez senti venir les abus et la nécessité de ne pas courir à tout va après les plus-values pour ne pas être rattrapé par la patrouille : il s’agit du risque de requalification en marchand de biens (MDB).
L’activité de marchand de bien est une activité commerciale. Il s’agit d’une personne qui fait profession d’acheter et revendre des biens immobiliers de manière habituelle avec une intention spéculative dès l’achat.
Autrement dit, un particulier qui enchainerait un peu trop rapidement les achats de biens, déménagements en résidence principale et reventes pour prendre sa plus-value (intention spéculative) au cours d’une période restreinte pourrait rentrer, de par la répétition, dans le critère de l’habitude.
À ce titre, l’administration pourrait être amenée à requalifier la situation : en apparence un particulier qui n’arrive pas à ce fixer et en réalité un professionnel de l’immobilier, et donc faire une proposition de rectification afin de remettre les choses en ordre (= un redressement).
L’administration avancera plusieurs arguments pour constituer un faisceau d’indice démontrant l’habitude et l’intention lucrative que l’on peut dégager de la jurisprudence administrative :
Le caractère bref de la période entre l’acquisition et la cession ou bien la répétition des cessions
L’importance des travaux
Le montant de la plus-value réalisée
Un redressement aurait plusieurs conséquences.
Tout d’abord, la plus-value serait imposée dans la catégorie des plus-values non pas des particuliers mais des professionnels (régime BIC de l’article 35 1° et 1°bis du CGI), c’est à dire au barème progressif de l’IR selon votre taux marginal d’imposition (jusqu’à 45%), en plus donc des prélèvements sociaux au taux de 17,2%.
Ensuite, l’activité de marchand de bien est soumise à la TVA sur marge (i.e. la “marge” est la différence entre le prix de cession HT et le prix d’acquisition HT)
De plus, l’administration fiscale réclamera les majorations, vraisemblablement celles applicables en cas de découverte d’une activité occulte puisque l’activité de marchand de biens n’était pas déclaré (majoration de 80% du montant de l’impôt à payer)
Plusieurs critères ont été mis en avant à l’issue de décisions de jurisprudence pour écarter la requalification, on note notamment la justification constante
“soit que les immeubles qu'il a vendus avaient été acquis pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux”
Autrement dit, l’intention spéculative ne sera pas retenue lorsque le cédant a vendu suite à des difficultés financières avérées par exemple.
“soit que l’immeuble en cause constituait sa résidence principale”
On note enfin, et c’est très important, qu’en principe le fait que le bien soit la résidence principale du cédant (avec l’exonération vue plus haut) exclut qu’il ait eu une intention lucrative.
✅ Dans une Décision CAA Versailles de 2021, uncouple a successivement occupé, à titre de résidence principale, les différents logements (6 en 7 ans) qu'ils ont acquis puis revendus, à savoir
la maison située au 102 bis (…) pendant un an, de juillet 2010, date d'achèvement des travaux jusqu'à la revente en juillet 2011 ;
la maison située 45 rue (…) d'avril à octobre 2012 ;
la maison située au 4 rue (…) de septembre 2012 à fin août 2013
la maison appartenant à F... située rue (…) d'octobre 2013 à juillet 2014
la maison située 23 avenue (…) juillet 2014 à septembre 2015 ; et
la maison située 52 rue (…) de septembre 2015 à sa revente en juin 2017.
(…) M. et Mme B... ont produit en réponse, sans être contestés, des documents variés attestant de l'occupation effective des lieux, tels que des factures d'eau, gaz, électricité, des justificatifs de la domiciliation de leurs comptes bancaires ou de leurs salaires, ainsi que des preuves de la mention de ces différentes adresses sur des divers documents concernant par exemple la scolarité de leurs enfants. (…) l'occupation à titre de résidence principale des immeubles à la date de leur revente fait obstacle à ce que ces biens soient regardés comme appartenant au patrimoine professionnel d'un marchand de biens.
L’axe de redressement restera l’abus de droit fiscal de l’article L64 LPF et à condition que l’administration démontre que le contribuable n’y avait pas sa résidence principale (caractère fictif), ou que l’acte a été inspiré par un but "exclusivement” ou “principalement fiscal” (mini-abus de droit de l’article L.64 A LPF).
Ainsi, pour démontrer l’abus de droit, l’administration doit démontrer que l’acte, tout en respectant la lettre d’un texte ou d’une décision, est contraire à l’objet ou à la finalité poursuivie par le législateur ou l’auteur de la décision.
❌ Toutefois, dans un arrêt CAA Bordeaux de 2022, l’habitude et l’intention spéculative ont été caractérisés alors que les contribuables arguaient avoir occupé les biens (pour 7 d’entre eux et au total 9 en 12 ans). On peut relever plusieurs différences justifiant cette décision et qualifiant leur situation
“de démarches actives de commercialisation foncière”
la justification de la résidence principale est insuffisante (ce qui est suffisant pour écarter l’exonération)
les contribuables achetaient les terrains et faisaient construire parfois jusqu’à 3 terrains avant d’avoir vendu le premier bien et allaient même jusqu’à mettre en vente les biens avant la fin des travaux (difficile d’y résider effectivement dans ce cas)
Conclusion
En résumé, les dispositifs d’exonération d’impôt sur les plus-values immobilières existent et s’appliquent largement, à condition d’en respecter les conditions.
Je vous invite à lire attentivement les articles et décisions cités pour approfondir le sujet. N’hésitez pas à le partager cet article autour de vous aux investisseurs que le sujet pourrait intéresser.
À bientôt pour un nouvel article :)
Sources
Article 150 U du CGI (siège des exonérations)
Article 200 B CGI (taux de 19%)
Article 150 VC CGI (abattements)
244 bis A I, 1 CGI : Exonération de la plus-value de cession réalisée par un non-résident sur sa résidence principale
BOI-RFPI-PVI-10-40-10 : Exonération résultant de la cession de la résidence principale
BOI-RFPI-PVI-10-40-30 : Exonération de la première cession d'un logement autre que la résidence principale
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Quand vous dites, il a été exonéré de plus value après 4 mois de résidence effective.
Ça veut dire qu’entre le jour d’acquisition et le jour de cession, il y’a eu 4 mois au total ? Car avec les délais de compromis qui sont de l’ordre de 3/4 mois il a dû mettre en vente son bien un mois maximum après l’avoir acheté ?