Hello 🤠
Après une trop longue absence, Goodfellaws est de retour pour un nouvel article ! Je suis très content de revenir pour creuser un sujet en profondeur avec vous sur un thème qui m’a beaucoup intéressé dernièrement : les search funds
Avant toute chose, je souhaite la bienvenue aux nouveaux abonnés qui ont rejoint Goodfellaws ces dernières semaines ou bien plus récemment suite à la publication de cet article dans la newsletter Snowball de Yoann Lopez. Pour ceux qui ne connaîtrait pas encore, Snowball est une newsletter suivie par une communauté de 30.000 personnes qui démocratise les finances personnelles et l’investissement au sens large (crypto, bourse, immobilier, private equity…), très complémentaire donc aux thèmes abordés ici, d’où cette collaboration !
Un grand merci à Yoann pour la confiance et n’hésitez pas à vous abonner les yeux fermés à Snowball si parce que ça ne fait que commencer !
L’article d’aujourd’hui sera donc en grande partie une redite pour les personnes ayant découvert Goodfellaws à cette occasion, qui pourront toutefois prendre connaissance des précédentes éditions citées.
Pour les plus fidèles, je vous laisse découvrir les joies du search fund 🤠
Search fund : reprendre une PME sans apport
Au sommaire de cette édition:
🇺🇸L’origine des search funds
🧑🎓Le profil du searcher
🎯 Les caractéristiques de la cible idéale: un “boring business”
⚙️ Le search fund: comment ça marche ?
💸 L’intérêt du search fund pour le searcher et pour les investisseurs
🚀 Performances réalisées par les search funds
🇺🇸 L’origine des search funds
Le premier search fund a vu le jour aux États-Unis en 1984, au coeur du milieu académique et entrepreneurial. Irving Grousbeck, le directeur du Center for Entrepreneurial Studies de Stanford (qui existe toujours) a fait émerger ce modèle d’investissement et la dynamique demeure encore aujourd’hui, nous allons le voir, intimement liée à la croisée du monde académique et de l’entrepreneuriat, et à Stanford en particulier.
Selon une étude de 2020 du Center for Entrepreneurial Studies de Stanford qui étudie le phénomène des search funds tous les deux ans, entre 1984 et 2019, au moins 1.4 milliards ont été investis en capital à travers les search funds, générant au total environ 7 milliards de valeur pour les investisseurs et environ 2 milliards pour les entrepreneurs.
🧑🎓Le profil du searcher
Le searcher (chercheur) est, comme son nom l’indique, celui qui aura pour rôle d’identifier l’entreprise à racheter. En général, il aura un solide cursus académique, notamment en finance, comptabilité, droit, fiscalité, en gestion et/ou en management, obtenu au cours d’un MBA (Master in Business Administration). L’idée est qu’il ait une tête suffisamment bien faite et des connaissances générales suffisamment solides pour être un couteau suisse du monde des affaires. Bien qu’il n’y ait pas d’études, ou de diplômes pour devenir searcher ces derniers sont le plus souvent des hommes, d’environ 30 - 35 ans, ayant décroché un MBA (pour 80% d’entre eux).
Plutôt que de faire carrière comme consultant, financier ou auditeur, le jeune diplômé souhaite entreprendre en sortant de ses études. En dépit de son parcours académique, il n’a pas d’expérience, pas de capital de départ et ne souhaite pas créer une start-up ayant de forte probabilité d’échouer : il devient donc searcher.
Le projet sera de convaincre un groupe d’investisseurs de miser sur lui la somme nécessaire pour acquérir une société qu’il va trouver, gérer et développer pour leur compte. La philosophie de miser sur une/des personnes d’abord, en leur confiant une enveloppe, pour qu’elle(s)-même(s) misent sur une société est de ce point de vue semblable aux opérations de SPACs, que l’on a déjà analysé et que vous trouverez juste ici pour celles et ceux qui l’ont raté 👇
Pour compenser l’inexpérience du searcher, ce dernier pourra compter sur ses investisseurs, qui seront eux-mêmes des dirigeants et repreneurs d’entreprise qui réinvestissent une partie des gains réalisés en développant des entreprises dans un secteur similaire et dégagent ainsi de leur temps. Ces investisseurs sont comparables à des mentors, et assisteront le repreneur tant dans le processus de recherche, les relations avec les avocats et banquiers, les cédants, que plus tard, dans le management de l’entreprise, en étant directement intéressés au succès de l’opération.
🎯 Les caractéristiques de la cible idéale: un “boring business”
Contrairement aux start-ups dont le modèle économique nécessite de conquérir rapidement un marché, quitte à subir de lourdes pertes pour être rentables plus tard et à survivre par des tours de tables successifs, la cible du search fund est moins sexy mais plus secure. Pour l’image, c’est un peu comme comparer Elon Musk et Warren Buffet.
La cible est en moyenne valorisée à 10 millions, pour un chiffre d’affaires de 8 millions et un EBITDA de 1.5/2 millions, soit un multiple d’EBITDA x 6 en moyenne
La cible est une entreprise mature, avec modèle économique simple et ayant fait ses preuves
La cible est une entreprise rentable, qui génère du cash-flow et qui est en croissance
Pour rappel, l’EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization) est proche de l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation, en français). Pour simplifier, il permet d’avoir une première vue sur la rentabilité de l’entreprise en partant du chiffre d’affaires (CA, i.e. les ventes) et en soustrayant les charges liées à l’activité. S'il est positif, l'entreprise crée de la valeur (mais attention elle n'est pas forcément rentable car elle ne prend pas en compte certaines charges.
Des exemples de boring business ? Les laveries automatiques, les stations de lavages, les distributeurs automatiques, les entreprises de nettoyage, la location de box de stockage ou d’entrepôts…
Une tendance récente est à l’investissement dans la Tech / le software et en particulier les SaaS (Software as a Service). Le terrain de jeu passe alors du monde physique au numérique, les indicateurs à prendre en compte seront différents (MRR/ARR, churn, LTV…) mais l’idée est la même : racheter un business en croissance avec des revenus récurrents. On voit par conséquent apparaître des search funds visant exclusivement des SaaS. Pour en savoir plus sur le processus de rachat d’un SaaS, c’est par ici 👇
Le search fund: comment ça marche ?
Le search fund est un modèle de reprise d’entreprise, dont la structuration, le financement et l’intéressement des parties prenantes est semblable à un montage d’acquisition par effet de levier de type LBO, sur lequel nous avons déjà eu l’occasion de nous pencher et dont vous retrouverez le détail ci-dessous 👇
🚀 Constitution du search fund et levée de fonds initiale
Dans le modèle américain, le search fund sera structurée sous la forme d’une Limited Liability Company (LLC) généralement immatriculée au Delaware pour son attractivité juridique. En France, la forme qui sera la plus adaptée sera souvent une société par actions simplifiée (SAS), pour la souplesse et la liberté qu’elle offre.
Vient ensuite la levée de fonds, une augmentation de capital classique d’un montant moyen de 300.000 à 500.000 euros, l’équivalent d’un tour d’amorçage de venture capital, auprès d’un groupe d’investisseurs. Le but de cette levée est de financer la recherche de la cible, pour une durée comprise entre 18 et 24 mois (on parle de “search capital” pour désigner cette enveloppe).
La somme sera allouée à la rémunération fixe du searcher, les frais de constitution du fonds, les dépenses courantes, les frais de déplacement sur le terrain pour visiter des cibles potentielles ou encore l’achat de bases de données de cible, l’accès à des salons…
Cette levée sera suivie d’une seconde levée, plus conséquente, destinée à acquérir la société cible. Bien que l’opération se réalise en deux temps, les principaux termes de l’opération globale seront d’ores et déjà fixé dans un court document (side letter) qui fixera notamment les droits de chacun (searcher/investisseur).
Le search fund peut être constitué par un ou plusieurs searcher, selon l’étude précitée de Stanford, parmi les fonds qui ont finalement acquis une société, 58% étaient constituées par un seul searcher et 42% par plusieurs.
Empiriquement, on constate que les search funds constitués sous forme de partnership représentent 68% des sociétés qui réalisent un retour sur investissement (ROI) de plus de x5.
Les fonds composés de plusieurs searchers sont donc les plus susceptibles de performer très fort.
Recherche de la cible et acquisition
🔍 L’identification de la cible
La recherche sera l’activité à plein temps du searcher, qui n’aura généralement pas recours aux services d’intermédiaires tels que des brokers ou des banquiers d’affaires, mais ira au contraire sur le terrain, au contact des cédants potentiels dans le secteur d’activité et le secteur géographique défini au préalable et qui remplira les caractéristiques que nous avons vu plus haut concernant la bonne santé de la cible.
Selon l’étude précitée, sur 180 searchers, dont 82 en recherche au 31 décembre 2019, le salaire moyen annuel allait de 30.000$ à 200.000$ avec une moyenne à 110.000 $. On peut donc chercher avec l’esprit léger.
Si la recherche est fructueuse et qu'une cible acceptable est identifiée, le chercheur passera à une phase d’audit (due diligence) et de négociation avant de faire une offre d'acquisition de la société cible. Pour cela, le searcher aura besoin de compléter la levée de fonds initiale en levant une nouvelle fois, cette fois-ci pour un montant permettant de réaliser l’acquisition.
💰 Le financement de l’acquisition
L’acquisition sera financée par effet de levier, sur un modèle similaire à celui du LBO. Ainsi, un apport en capital sera effectué, complété par un endettement bancaire.
Si les investisseurs ayant financé la phase de recherche de la cible sont d’accords pour continuer (ils peuvent également s’arrêter là et récupérer leur mise, pour être remplacés par d’autres investisseurs) :
Les sommes qu’ils ont investi initialement et qui restent seront consacrés à l’acquisition ;
Ils pourront généralement convertir leurs actions pour obtenir un pourcentage plus élevé du capital de la société afin de rémunérer le risque qu’ils ont pris dans la phase de recherche;
Ils pourront également compléter leur investissement avec un droit d’investir au prorata de leur investissement initial dans l’acquisition de la cible.
Pour être alignés, les investisseurs en equity (i.e. les actionnaires et non les banques) négocieront des conditions d’investissement favorables, notamment:
Des actions de préférence à dividende prioritaire (ADP de taux) à 5-8%, autrement dit, les investisseurs auront un versement fixe, prioritaire sur les autres actionnaires (mais passeront après les intérêts versés à la banque);
Une liquidation préférentielle (en général x1) autrement dit, la certitude de récupérer leur mise en priorité en cas de cession de l’entreprise.
👷♂️La phase opérationnelle et le développement de la société
Cette étape de l’opération est la plus longue dans le temps avec un horizon sur 4 à 7 ans. Le searcher, devenu dirigeant d’entreprise aura désormais pour mission de réaliser le potentiel de l’entreprise et de la développer, de recruter des talents, de procéder éventuellement à des opérations de croissance externe en rachetant des entreprises du même secteur, d’augmenter le chiffre d’affaires en réduisant les coûts, en ouvrant d’autres localisations, etc.
Pour réaliser cette mission, le searcher constituera un board, un conseil d’administration, qui comptera souvent les investisseurs et qui épaulera le dirigeant dans la définition de la stratégie de l’entreprise et dans la prise des décisions importantes pour l’activité de la société.
En tant que dirigeant (CEO) de l’entreprise, selon la même étude (décidément très bien faite et utile, une vraie mine), le salaire moyen annuel fixe est de 217,722 $ et le bonus de 59,019$. C’est donc un salaire relativement confortable, mais ce n’est pas le critère déterminant du package.
En effet, le critère déterminant est l’intéressement capitalistique du manager à la réussite de l’entreprise, en vue de l’exit. La pratique standard de marché est historiquement à un intéressement de 20 à 30% du dirigeant au capital de l’entreprise, structuré de la manière suivante:
🎁 Tranche 1 : lors de l'acquisition de la société, le searcher débloquera environ 10% de son intéressement, cela correspond à une sorte de success fee, semblable à la commission que prendrait un intermédiaire (broker ou banque d’affaires) pour le dirigeant qui a trouvé la cible et qui jusque là était rémunéré par une sorte de retainer correspondant à son salaire ;
⏱️ Tranche 2 : 10% seront acquis au fur et à mesure du temps (vesting) en moyenne sur 4 ans, selon un rythme mensuel ou trimestriel (par exemple si sur 4 ans, le dirigeant acquiert 1/48e chaque mois) cela a pour objet de le fidéliser, à la manière d’un très bon employé d’une start-up en croissance ;
🎉Tranche 3 : les dernier 10% seront débloqués sous condition de performance (par exemple des objectifs de TRI, taux de rentabilité interne, IRR en anglais), autrement dit le taux de rentabilité annuel de l’investissement (montant investi pour la recherche et l’acquisition).
➡️ La sortie de l’investissement (exit)
C’est l’aboutissement de l’opération, qui permet aux investisseurs et aux searchers de réaliser leur gain. La sortie de l’investissement peut passer par plusieurs voies : la cession à un autre fonds, la cession à un concurrent industriel, une introduction en bourse…
💡Les intérêts du search fund
Les intérêts pour le searcher
Une expérience entrepreneuriale avec à la fois des responsabilités, des mentors, du capital mais également une certaine sécurité
Une perspective de réaliser une opération patrimonialement intéressante à moyen terme
Les intérêts pour les investisseurs
S’exposer à une classe d’actif rentable, selon l’étude de Stanford, en 2019, le TRI (avant impôt) en excluant les 5 search funds qui ont le plus performé était de de 34.7% en moyenne et le retour sur investissement de x3.7 pour les search funds structurés en partnership. Il est vrai qu’il est rare de faire x10 mais plus commun de faire entre 1x et 5x.
Participer à une reprise d’entreprise saines, déjà rentable et hors des radars, en limitant les risques (possibilité de ne pas investir au stade de l’acquisition)
Les search funds, comme tout investissement en capital particulièrement en private equity restent des investissements très risqués et illiquides, de sorte que les investisseurs doivent ne doivent allouer qu'une partie minime de leur portefeuille selon leur appétit pour le risque.
🚀 Performances réalisées par les search funds
D’après l’études de Stanford, seuls 67% des search funds ont finalement acquis une société cible (7 sur 10 environ pour simplifier). Cela signifie que dans 33% des cas, le fonds a été liquidé et les investisseurs ont récupéré une partie du search capital investi initialement.
Parmi ces 7 opérations si l’on reprend la simplification, dans 75% (plus de 5 cas sur 7) l’opération a dégagé une plus-value et dans seulement deux cas une perte qui le plus souvent n’est que partielle.
Ainsi donc, on peut dire que sur 10 search funds, statistiquement 3 ne feront pas l’opération et 7 mèneront l’acquisition à terme dont 5 seront profitables (3 le seront entre 1x et 5x et 2 le seront à plus de 5x) et deux aboutiront à une perte au moins partielle voire totale de l’investissement.
Ces chiffres résultent évidemment d'une étude empirique et sont fournies à des fins statistiques exclusivement, les performances passées ne préjugent pas des performances futures et chaque opération est spécifique.
Conclusion
Le search fund est une modalité de reprise d’entreprise ancienne et pourtant encore confidentielle en Europe et en France en particulier, je vous laisse jeter un oeil à la seconde étude, de l’IESE mentionnée plus bas qui est faite sur le même format que celle de Stanford mais traite exclusivement des search funds hors des Etats-Unis.
Le search fund permet une création de valeur issue de la rencontre entre un entrepreneur et des investisseurs alignés autour d’un projet de reprise sain et soigneusement étudié qui gagnerait à se développer.
Cette édition vous a intéressé ? Vous aimeriez qu’on en discute ? N’hésitez pas à me contacter à l’adresse suivante : hello@goodfellaws.fr et à partager cet article auprès des personnes que cela pourrait intéresser. A très bientôt 🤠
Plus de ressources sur les search funds
2020 Search Fund Study: Selected Observations, Stanford School of Business
International Search Funds – 2020: Selected Observations, IESE
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Hehe ! Merci pour la mention <3