🤠 ↗️ Découvrez le LBO et les joies des montages à effets de levier
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Aujourd’hui, on va parler de Leveraged Buy-Out (LBO) ou rachat d'entreprise par effet de levier. En français, il s’agit d’un montage permettant d’optimiser le rachat d'une entreprise d’un point de vue juridique, fiscal et financier.
Concrètement, le LBO permet d’acheter une société par recours à l’endettement grâce à un apport de fonds propre minimal.
Les LBO ont connu un boom dans les années 1980 aux États-Unis, sous l'impulsion d'investisseurs comme Jerome Kohlberg et Henry Kravis (à l’origine du fonds KKR, dont on va bientôt parler).
L’opérateur téléphonique SFR, les hôtels B&B, les surgelés Picard, le loueur de matériel Kiloutou … ces sociétés ont toutes pour point commun d’avoir fait l’objet d’un ou plusieurs LBO, alors comment fonctionne un LBO?
Comment fonctionne un LBO ?
L’identification de la cible 🎯
Tout d’abord, l’investisseur va identifier une société cible. Cette cible doit avoir plusieurs caractéristiques :
C’est une entreprise suffisamment mature dans son secteur d’activité
Le secteur d'activité ne connait pas de variation importante de conjoncture
C’est une entreprise qui génère suffisamment de chiffre d’affaires pour réaliser un bénéfice (cash flow), et donc permet une remontée de dividende. En stratégie, la cible peut être qualifiée de « vache à lait »
La société reprise ne doit pas avoir de besoins d'investissement trop importants
C’est une entreprise qui a un réel potentiel de croissance bénéficiant d’avantages concurrentiels
Création du véhicule et financement 🏦
Une fois la cible identifiée, les investisseurs vont constituer une société destinée à acquérir cette cible. C’est donc une société holding, dont la vocation exclusive est de détenir des titres financiers de la société cible.
On parle de Special Purpose Vehicle (SPV) pour désigner cette société holding créée spécialement pour l’occasion.
Dans cette holding, les investisseurs vont apporter des capitaux. Néanmoins, ces capitaux représentent une partie relativement faible du prix de la cible (environ 30%). L’idée étant pour cette holding de lever de la dette par divers moyens afin de réunir les capitaux nécessaires à l’acquisition de la cible.
Le but de l’opération est de permettre aux repreneurs de racheter une société en dépensant un minimum d’argent.
Acquisition ✅
La holding va ensuite procéder à l’acquisition de la cible.
En général, la holding va acquérir le contrôle de la cible (51%) et souvent au moins 95% des actions de cette dernière voire 100% des actions.
Quel(s) levier(s) ?
Les montages de type LBO sont qualifiés de montages à effet de levier. Mais de quel levier parle-t-on ?
En réalité il s’agit d’un triple effet de levier, financier, fiscal et humain.
Effet de levier financier💸
L’effet de levier financier est le plus évident. Il est connu par de nombreux investisseurs, notamment dans l’immobilier.
L’emprunt réalisé par la société holding pour acquérir la cible, sera remboursé grâce aux bénéfices générés (aux dividendes distribués) par la cible.
Autrement dit, indirectement, la cible paie l’emprunt qui a permis de la racheter, c’est une acquisition sans mettre la main à la poche ou presque, permettant d’augmenter la rentabilité des capitaux propres.
Pour que l’effet de levier financier fonctionne, il faut s’assurer au préalable que le bien acquis rapporte plus que le coût de l’emprunt (en amont) mais des stratégies existent pour réduire les charges, parfois drastiquement durant le LBO afin d’augmenter les bénéfices réalisés (en aval). On parle de stratégie de cost-killing. Des actifs non stratégiques pourront également être cédés, générant ainsi des liquidités.
Effet de levier fiscal🧾
L’effet de levier fiscal est très intéressant pour l’investisseur. Souvenez-vous, le SPV est une holding. Il est donc possible de mettre en place 1) un régime mère-fille et 2) une intégration fiscale au sein du groupe.
Revenons rapidement sur ces mécanismes.
Le régime des sociétés mères
Il n’est pas normal, et même antiéconomique d’imposer plusieurs fois de suite le résultat bénéficiaire d’une société, à la fois lors de sa réalisation et de sa distribution jusqu’à la société mère.
La France a donc institué un régime des sociétés-mères permettant de supprimer ce risque de double-imposition.Ce régime permet à la société mère (ici la holding) de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés (IS) sur les dividendes reçus par ses filiales (ici la cible).
Seule une quote-part de frais et charges de 5% sur le montant des dividendes reçus doit être réintégrée dans le résultat fiscal de la société mère.
Pour bénéficier du régime mère-fille :
La société holding et la société cible doivent être à l’IS
La société holding doit détenir + de 5% du capital de la cible
Attention : pour bénéficier de l’exonération, la société mère doit détenir les titres de la filiale pendant plus de 2 ans.
Autrement dit, à l’intérieur du délai de 2 ans, les dividendes bénéficient provisoirement du régime des sociétés-mères. Si la participation détenue est cédée avant l’expiration de ce délai, la distribution de dividendes sera taxée. Aucun problème, le LBO dure de 3 à 7 ans en moyenne.
L’intégration fiscale
L’utilité essentielle de l’intégration fiscale consiste à pouvoir compenser, au sein d’un groupe de sociétés, les pertes dégagées par certaines sociétés avec des bénéfices dégagés par d’autres sociétés du groupe. Cette compensation des bénéfices et des pertes va permettre au groupe de payer moins d’impôt qu’il n’en aurait payé en l’absence du régime.
Pour être plus parlant : la société holding peut déduire les intérêts d’emprunt (charges) de son résultat fiscal et grâce à l’intégration fiscale, les imputer sur le résultat de la cible (les bénéfices) afin de payer moins d’impôts.
Pour bénéficier de l’intégration fiscale :
La holding doit détenir 95% du capital de la cible qu’elle souhaite intégrer
L’ensemble des sociétés doivent relever de l’impôt sur les sociétés en France
L’ensemble des sociétés doivent clôturer leurs comptes à la même date.
Vous pouvez bien sûr cumuler intégration fiscale et régime mère-fille si les conditions requises sont remplies.
Zoom : quels sont les instruments utilisés pour l’endettement ? 💳
Les emprunts réalisés pour acquérir la cible sont plus sophistiqués qu’un simple emprunt unique auprès d’une seule banque. La plupart des LBO mettent en place un schéma de financement structuré en trois niveaux, ici classés du moins risqué au plus risqué :
tout d'abord une dette “senior” : elle est qualifiée ainsi car elle bénéficie de garanties et est remboursée en priorité, c’est l’emprunt bancaire qui constitue la source principale de financement du LBO. C’est elle qui est remboursée grâce aux dividendes.
puis une dette subordonnée (ou mezzanine) : elle est mezzanine car entre la dette senior et les capitaux propres, et subordonnée, sous-entendu que son remboursement est subordonné au paiement de la dette senior d’abord.
Elle prend généralement la forme d’un emprunt obligataire à haut rendement (high yield), autrement dit la holding émet des titres de dettes (obligations) qui comme un prêt classique donnent lieu à un intérêt.
Les obligations peuvent éventuellement être convertibles en actions de la société (OCA) ou se voir attachés des bons de souscriptions d’actions (OBSA). Elle est plus risquée que la dette senior mais également plus rémunératrice.
les capitaux propres : c’est les actions ordinaires de la holding qui sont souscrites par les investisseurs à sa constitution.
Le levier humain : les managers 👨💼🧑💼
Le succès d’un LBO, on l’a vu, repose sur la capacité de la cible à générer du cash-flow. Or, la capacité de l’entreprise à générer du cash tient en grande partie à l’équipe en place et à ses compétences. On parle d’ ”homme-clés” pour désigner les managers ou cadres essentiels à l’entreprise.
Évidemment, l’investisseur voudra impliquer les hommes clés avec lui dans l’opération, et pour cela ces derniers investiront une participation minoritaire dans le capital de la holding.
Un management package, sera également mis en place, c’est à dire un ensemble d’outils d’intéressement au capital, afin d’aligner les intérêts des investisseurs (actionnaires) et des principaux managers (salariés et mandataires sociaux).
Les cadres exécutifs seront impliqués en fonction de leur séniorité et de leur niveau de responsabilité dans l’entreprise. On parle en “cercles” pour désigner les différents niveaux d’importance des managers (“cercle 1” pour le top management ; “cercle 2” pour les managers opérationnels etc.)
L’intéressement de ces salariés au capital passera par l’émission :
de bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE)
d’actions à bons de souscription d’action (ABSA)
d’actions de préférence (AP)
Une part du capital de la holding de reprise sera allouée aux managers, l’objectif étant de les fidéliser sur la durée (3 à 7 ans) et de les motiver à être performants. Au débouclage du LBO, une partie de la plus-value réalisée lors de la cession de la cible leur sera rétrocédée en fonction du multiple réalisé par les investisseurs ou bien du taux de rendement interne (TRI).
À noter : il est important de structurer correctement le management package afin d’éviter des redressements par l’administration fiscale.
Comment se déboucle un LBO ?
Au bout de quelques années, en moyenne 7 ans, la société cible est revendue ou introduite en bourse, ce qui génère dans le meilleur cas une grosse plus-value pour ses actionnaires.
L’introduction en bourse 📈
Une sortie du LBO par une entrée en bourse est possible mais peu fréquente dans le contexte actuel. En effet, la bourse fait passer l’entreprise du monde du private equity au monde des sociétés cotées, avec les inconvénients que cela implique.
La tendance actuelle est même au retrait de la cote, c’est à dire à faire passer une société cotée en bourse, comme une société du CAC40 cotée sur Euronext à une société non cotée, on appelle cette opération un public-to-private (P2P).
Certaines sociétés sont quand même introduites en bourse après un LBO, par exemple :
Maisons du Monde, a fait l’objet d’un LBO en 2013 par le fonds Bain Capital auprès de deux autres fonds (Apax et LBO France) pour une valeur d’entreprise de 680 M€, elle a levé 330 M€ lors de son introduction en bourse (IPO) en 2016 et vaut actuellement environ 660 M€. Bain Capital, en ramenant sa participation de 31% environ à seulement 16% aurait réalisé une plus-value d’environ 200 M€.
Sandro Maje Claudie Pierlot (SMCP), a fait l’objet d’un LBO en 2013 par KKR (à 65%) qui a racheté leur participations à deux autres fonds (Florac, et L Capital, un fonds détenu par LVMH) pour une valeur d’entreprise de 650 M€, KKR a ensuite cédé une partie de sa participation à Shandong Ruyi, un conglomérat chinois qui a acquis 82% de SMCP (KKR conservant 10%) pour une valorisation d’entreprise de 1,3 Md€. SMCP a ensuite été introduite en bourse en 2017, pour une valeur d’entreprise comprise entre 1,9 et 2,2 Mds€.
La vente à un industriel 🏭
Cette sortie du LBO permet souvent d’obtenir un meilleur prix dans la mesure où les activités sont complémentaires et les synergies potentielles entre les entreprises sont valorisées.
En 2014, Patrick Drahi, le Président d’Altice (la société mère de Numéricable) aka “le roi des LBO” ou encore “le maître de l’effet de levier” a racheté SFR à Vivendi pour 13,5 Mds€, c’est le plus gros LBO jamais réalisé en France.
LBO secondaire, tertiaire, quaternaire 🔄
La boucle est bouclée !
De nombreux LBO sont suivis d’un LBO secondaire, tertiaire, voire quaternaires. On prend la même cible et on recommence, en remplaçant les investisseurs (les fonds d’investissement) par de nouveaux investisseurs financiers (d’autres fonds) qui auront recours à un refinancement bancaire et qui impliqueront de nouveau les managers dans la réussite du projet.
Ce schéma ne se produit qu’à condition que l’entreprise est encore suffisamment rentable ou peut permettre encore des gains de productivité et bénéficie de bonnes perspectives de croissance.
Par exemple, Webhelp, qui avait déjà connu quatre LBO en 2015 a de nouveau changé de mains en 2019. Groupe Bruxelles Lambert (GBL) ayant racheté sa participation à KKR et à ses managers (environ 60%) pour une valorisation à 2,4 milliards d’euros.
❌ Échec de LBO ❌
Les LBO ne sont pas toujours un succès. Le rachat du groupe RJR Nabisco par KKR (pour 31 milliards de dollars en 1989) est un incontournable en la matière. Aboutissant à la fusion de RJ Reynolds (industrie du tabac) et Nabisco (marché des gâteaux et chips), il représente un des échecs majeur de l’histoire des LBO.
Symbole de tous les excès de la finance de Wall Street durant les années 80, des guerres d’égo entre banquiers d’affaires, de l’ambition démesurée de PDG, cette opération demeure mythique.
Pour en savoir plus, je vous invite à lire le livre Barbarians at the gate ou bien à visionner ces vidéos explicatives très bien faites sur la chaîne Youtube Heu?reka (partie 1 ; partie 2)
Voilà, c’est tout pour les LBO ! N’hésitez pas à faire des commentaires sur ce premier article et à partager Goodfellaws autour de vous.
À bientôt,
Jérémy
Avertissement : Goodfellaws n’est pas un cabinet d’avocats. Par les publications via courrier électronique et/ou disponibles sur le site internet, Goodfellaws ne fournit aucun conseil juridique, fiscal, financier ni aucun autre conseil de quelque nature qu’il soit. Les publications vous sont fournies exclusivement à titre d’information.
Bonjour Jérémy, je suis étudiante en master monnaie banque finance assurance et je t'assure que ton article est génial. Il me permet d'avoir un complément de cours. Merci beaucoup pour ce contenu qui est, d'une qualité incroyable. Au plaisir de lire de nouveaux articles ! Lisa
Bonjour Jérémy,
Tu as un compte twitter pour cette 'activité'? Je vais promouvoir ton article (modestement) et j'aurais voulu te mentionner.
Bravo, un contenu vraiment qualitatif.
Michel